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ON EN REPARLERA

9 Décembre 2006 , Rédigé par Seb Publié dans #NOUVELLES

 

Moi, je me tapais tout le boulot, pendant qu’eux, ils se planquaient pour aller picoler. C'était toujours moi qui courais, et le chef, qui me poursuivait avec ses petites notes incompréhensibles. Ils me faisaient tous chier. Ça faisait des mois que ça durait. J’avais beau alerter le syndicat, les ressources humaines, le chef du personnel, personne ne faisait rien : plusieurs fois, j’avais failli faire mon Zidane, sauf que les nez, je sais les faire craquer, moi, les nez... Je me connaissais, alors je me contienais, si tu savais, mais hpmf ! Qu’ils y soient venus voir dehors, ça me démangeait... Tout ça parce que je ne voulais pas prendre l’apéro avec eux !

Tiens : j’en avais tellement marre de voir leurs gueules que je simulai une dépression, à ce moment-là. J’avais perdu sept kilos en trois mois, j'étais en pleine forme, personne pouvait plus parler de mon ventre, parce qu’ils m’insultaient, en plus.

J’ai vu le médecin du travail ; avec ma pauvre tête de déprimé, j’ai couiné comme un pauvre petit malheureux… Si bien qu’à la fin de notre entretien, elle m’a conseillé de me faire arrêter le temps nécessaire à mon rétablissement. Chez le généraliste, je me suis si bien plaint qu’elle m’a arrêté jusqu’à nouvel ordre. Ensuite, il a fallu que j’aille voir le médecin de la Sécu, qui m’a envoyé voir le Psychiatre, à Sainte-Anne.

A l’entrée de l’Hôpital, y’en avait un, tout voûté, en peignoir, qui m’entreprit, il avait la main poisseuse et des cernes sous les yeux, je suis sûr qu’il venait de se branler : - Bonjour, je m’appelle Jean-Michel. Il faut fermer la porte : les portes sont faites pour rester fermées. »

J’ai pas répondu.

- Il faut dire bonjour aux personnes qu’on connaît. Je m'appelle Jean-Michel ! »  Et puis quelqu’un d’autre est entré, et je me suis essuyé sur le fauteuil de la salle d’attente, sur mon bas de pantalon…

Le docteur ? Trente minutes de retard.

Il, enfin, je veux dire, elle, parce que sur sa plaque c'était écrit « madame le médecin chef du service de psychiatrie de l’hôpital sainte-Anne », tout ça plein de majuscules, en lettres d’or, elle, donc, me demanda (deux fois) si je voulais être hospitalisé dans son établissement. Je lui dis que mon frère avait déjà allé en HP, qu’on l’avait attaché, que je voulais rester chez moi, à cause mes gosses, tout ça… Je lui dis aussi que j’étais harcelé au travail, et que j’avais des acouphènes, elle confirma l’arrêt de travail, et elle me recommanda de bien prendre mon traitement à heures fixes, et aussi si je désirais qu’une infirmière psychiatrique vienne chez moi de temps en temps pour vérifier si tout allait bien. Je lui dis que je ne préférais pas, car qui étaient ces gens, est-ce qu’ils allaient me poser des questions ? Le psychiatre n’a pas insisté, d’ailleurs elle n’insistait jamais, et même, on ne savait jamais si toujours si elle était en train d’écouter ?

Elle m’a demandé comment j’étais venu. - Mon épouse m’a accompagné », mentis-je. Etait-elle dans la salle d’attente ? Non, dans la voiture, elle devait être en train de patienter,  pourquoi ? Parce que justement : elle aurait voulu lui parler, ça tombait vraiment bien.

Moi, assis sur le bord du fauteuil en cuir, le front emperlé de gouttes, elle ne parla plus durant quelques minutes… Et tout à coup elle leva les mains au ciel ; elle pivota son siège de ministre, puis elle se jeta sur un papier en lui criant – Aaaah, te voilà, toi ! » et puis elle erevint à nos questions.

Elle me precrit un traitement de cheval à base de gouttes, et de L’exo 1000. J’ai bien essayé un peu pour voir comment ça défonçait, ouah, attention, on part vite avec ces trucs-là, on perd la coordination des membres, je pouvais plus boire un café, je me mettais la cuillère dans l’œil ! Je dormais bien mieux que depuis des années, c’est vrai, mais il faut pas trop jouer avec ça, c’est dangereux.

Son téléphone a sonné, elle ne faisait plus attention à moi, je plongeai au-dessus de son bureau de nabab, je piquai ma carte de Sécu et je me barrai sans demander mon reste, ciao bella !

 

Je te ferai essayer un jour.

Avec un whisky.

 

Je sortis de là, j’étais encore plus en forme qu’à l’arrivée, comme quoi, ça marche, la psychiatrie ; l’après-midi, j'étais même allé aux champignons pendant mes heures de sorties, des coulemelles grosses comme la cuisse je trouvai. Je nous fis une méga omelette, c’était bon.

Le lendemain : coup de fil, j’avais oublié mon ordonnance, elle le faxait chez le généraliste, heureusement que c’était pris à cent pour cent, et il fallait que je revienne le surlendemain.

 

Assis dans un profond fauteuil de la salle d’attente, c’est Jean-Michel qui m’a accueilli :

-Tiens, un revenant… Bonjour, bienvenue au club !

- Bonjour, mais je ne fais pas partie de ton club, moi...

Il me scruta au travers des ses petites lunettes de chiasseux :

- Ça… On en reparlera.

Je préférai ne pas insister. Il ne faut pas brusquer les fous, paraît-il.

 

Finalement, je suis retourné travailler à l'atelier. Une seule journée.
A l'heure de l'apéro, je leur ai tous fracassé la gueule. Oui, au chef aussi. A grands coups de gros câble électrique.
Jean-Michel, mon voisin de chambre, est complètement branque, mais ce n'est pas le garçon désagréable, au fond...
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S
Mais on peut aussi se laver les mains avant.
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T
Je me lave toujours les mains après
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C
Excellent. Rien à dire de plus, j'ai cru à un témoignage direct et je me suis régalée. Bon, je ne te serre pas la main: on ne sait jamais. ;)
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