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Via Entebbe

27 Mars 2007 , Rédigé par Seb Publié dans #NOUVELLES


Salut Habib,
Ça va ma couille ?
Comme promis, je t’envoie une bafouille pour raconter comment ça se déroule ici, au chantier en Ouganda. L’avion est arrivé à Entebbe, et quand j’ai posé le pied sur le bitume écaillé de l’aéroport, on dit le tarmac, je sais, on dit, on dit, faut se méfier des on-dit, ah, fais-moi pas chier ! J’ai senti la chaleur comme m’écraser avec un gros marteau, vlan ! Je me suis écroulé, tout à coup j’étais en nage : pourquoi donc cet abruti de pilote n’a t’il pas éteint ses putains de réacteurs ? Et la pollution, Ducon ?  En fait, quand je me suis éloigné du zinc, je me suis aperçu que c’était la température normale, merde, incroyable ! Dans l’aéroport, d’immenses ventilateurs tentaient mollement de dissiper la moiteur affolante qui plaquait nos tee-shirts à nos peaux humides. C'est suffisamment dit, mais ce n'est pas toi qui passeras ce certain temps d'adaptation avant de retrouver l'envie de vivre. J’ai chaud, bordel, j’ai chaud ! On apprend vite à marcher tranquillement…
Les douaniers épluchent bien bien mes passeports et divers carnets de vaccinations indispensables aux petits blancs qui veulent entrer en ces contrées hostiles... Il en faut des piqûres pour se protéger de ces bestioles qui grouillent et qui guettent la faille pour nous bouffer tout vivants : la typhoïde, ne soit pas idiot ne mange ni ne bois pas n’importe quoi, l’hépatite A (même motif, même punition), l’hépatite B (attention où tu trempes ta nouille), les méningites A et C, la rage, évite d’embrasser les singes, le choléra dont l'efficacité du vaccin est contestée, et en outre, il peut annihiler les effets d'autres vaccins. A éviter. Mais pas de vaccins obligatoires contre : la dracunculose, qui donne les dents blanches, la trypanosomiase africaine, plus dangereuse que la finnoise, la filariose lymphatique ou éléphantiasis, qui empêche de s’asseoir en pensant à autre chose, la dengue au nom rigolo et aux effets nuisibles, la tréponématose, on dit aussi chtouille, le tétanos, attention aux clous rouillés, la diphtérie et la polio, le rhume et la grippe égyptienne, l’encéphalopathie si redoutée des vaches, l’envenimation par la vipère en fer de lance, l’agénésie du vermis cérébelleux, tellement rare que je ne sais pas si ça vaut vraiment la peine d’en parler, le SIDA (on nous aura prévenu) (il n’y a pas de vaccin) et le palu (non plus) qui tue deux millions de personnes par an, ce qui est quand même beaucoup. On nous attaque par tous les trous.
Seule la piqûre contre la fièvre jaune est obligatoire, mais les douaniers font du zèle grâce à leur légendaire entêtement réglementaire : on respecte la procédure de manière pointilleuse, mais on peut toujours s'arranger, entre adultes responsables… Pour les plus pressés. Ça tombe mal, on n’est pas pressé. Et puis j’ai un budget serré… Vas-y mon gars, compare bien ma bobine avec la photo, tu peux pas te tromper !
Moi, ce que j’aime bien quand j’accoste le continent, ce sont ces arômes puissants qui t’affolent le tarbouif : ça sent l’épice et le miel, l’eau de vaisselle, la sueur et la fumée de gasoil…
Le pire et le meilleur.
On y est, plus de doute…
L’Afrique, ça commence toujours par les narines.
Sitôt sortis, c’est la cour des miracles, le marché de Babylone ! Des mômes en loques vendent de cigarettes à l’unité, des vieillardes proposent des mangues, des polios offrent des timbres, des albinos, des édentés, des culs-de-jatte dans leurs petites boîtes, des fous de toutes les manières, trisomiques, aliénés, caractériels, paranoïaques aigus en veux-tu en voilà, la main tendue, sauf les manchots, ça va de soi. Tous en liberté. Chez nous les psychoses sont mises en boîte, les handicapés sont au CAT, ici, on vit avec eux. C’est qu’on n’a nulle part où les cacher, il faut avouer. De plus, on les respecte, il paraît. Ils expriment des choses indicibles, peut-être bien. Ils parlent aux Ancêtres, c’est bien possible… Je sais pas : ils ont leur place. En tous cas il y en a des tarés en liberté, à l’aéroport ! C’est un bizness, il faut bien se mettre ça dans le citron, pour apitoyer les touristes. Mais il n’y a pas de sot métier, après tout. Si ?
Une voyageuse vient de se faire chourave son sac à dos par un soit-disant, cours, ma poule, personne n’a rien vu, rien entendu, un classique du genre… Ni moi qui me crois si malin, d’ailleurs ; comme j’étais en train de reluquer les jolies filles, évidemment je ne faisais pas très attention… Elle s’est arrachée les cheveux et enfoncée les doigts au fond des yeux, elle s’est entortillé le coup avec le fil du téléphone, elle s’est marave la tronche dans une guimbarde tôlée à l'africaine, avec les gros rivets apparents peints de manière adéquate, on aime bien les choses chatoyantes, ici. Elle est expressive dans la douleur… Elle n’avait qu'à faire attention, et c'est tout.
Avec les potes, nous nous sommes organisés, nous restons collés serrés, dos à dos. Y’en a pas un qui pouvait passer : notre petit tas portait les yeux dans tous les sens. La tactique dite « de l’anémone ». La peur de l’inconnu, l’agressivité préventive. L’ennemi, dans ce genre de situation, c’est l’angle mort. L’aéroport, c’est beaucoup plus dangereux que la brousse, c’est bien connu. Sauf si tu tombes sur des indépendantistes querelleurs, mais là, c'est dans le cas où tu t'es fourré dans un endroit où tu n'aurais jamais dû traîner. En tous cas c’est chaud, comme ambiance, la rapine, c’est un métier. On est loin de notre petite sécurité habituelle, hein ? Et je me demande si on peut faire confiance aux condés locaux… les Français avec les petites trouilles ne connaissent pas leur bonheur, hein ? On devrait leur faire faire des stages, je dis. Même s’il arrive à la police de nous agresser en France, on est loin des taux pratiqués dans ce patelin… Oh ! Peuples du monde ! Réveillez-vous, bougez vos culs, quoi, merde ! Aaaaaaaaaaarde awou ! En avant… Arrrche !
Quand on a trouvé un matatu, l’ami Josua nous a conseillé de croire en lui, parce que les meilleures places, celles du fond, à sa droite, nous étaient promises. Alors imagine comme la tension est montée quand il a découvert que des usurpateurs s’étaient déjà arrogés notre carré, les doryphores… Alors il a sourcillé, et, tu connais l’oiseau, quand il fronce l'arcade, tu sais ça va chier dans les secondes qui suivent. C’est un sanguin, quand on le chauffe, il peut devenir carrément con, même. C’est un grand paranoïaque. Un petit a protesté des excuses en clignant des yeux, mais aussitôt il s’est rendu compte que parfois il faut réfléchir avant de causer.
Son seul regard a suffit. C’est nous le chef.
Quoique. Dans le minibus, il y a une petite française qui frise la cinquantaine, j’ai eu le malheur de la frôler un petit peu, ho, je me suis à peine à peine appuyé, tu sais comme je suis souple… Et voilà-t’il pas que madame monte sur ses grands chevaux, qu’elle hurle, même, sans préavis ni avertissement d’aucune sorte : « - Me touche pas ! qu’elle me dit, je ne peux plus supporter ça ! » J’en connais des qui n’auraient pas toléré. Mais pour les confrontations, on va attendre d’un peu mieux se connaître, les adultes m'ont déjà bien gonflé avant le départ, et j'aimerais qu’ils s’accordent à me lâcher la grappe pour les cinq semaines à venir, merci. Lola, c’est son petit nom.
C’est intéressant la manière qu’ont les gens d’ici pour utiliser les transports en commun : des grappes qui s’agrippent aux pare-chocs, ils montent et descendent en marche, ils dansent avec la mort. On a roulé une bonne demi-heure pour arriver ici, au Saint-Mary High School.
Tout le monde est parti se pieuter. Comme je connais un peu l’endroit, je suis venu squatter le réfectoire, je cherche des oranges ou des fruits, j’ai faim.
Bon… Je vais bientôt aller réintégrer mes pénates… Nous avons choisi une bonne chambre, les potes sont tous dans le même dortoir, nous les anciens avons eu le privilège de pouvoir choisir. En fait, nous ne leur avons pas laissé le choix, nous avons déposé nos affaires dans les petites cellules privatives des pions. C’est honteux !
Je vais essayer de ne piétiner personne.  
A bientôt pour de nouvelles nouvelles, j’espère que je pourrais recevoir ton courrier à Mbarara. Tu trouveras l’adresse au dos de l’enveloppe.
Bonne nuit, et à bientôt.
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T
Des coins magnifiques en Afrique y en a des milliers ! Et Karabane ! Et Djembering !
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F
Je connais pas l'Ouganda, ça doit être chouette...Pour ce que j'ai vu, les deux plus beaux pays d'Afrique sont le Rwanda, j'ai jamais vu autant de vert, et l'île de Sao Tomé, j'y passerais ma retraite même dans une de leur case sur pilotis.
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S
L'Ouganda c'est le plus beau pays d'Afrique. Il faut le savoir. Et c'est assez safe : Amin Dada est mort depuis longtemps.
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C
c qui qui va en pension en Ouganda?
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S
Hervé > Bien ! J'en fait autant pour toi ! J'essaierai dêtre à la hauteur... Je comprends maintenant pourquoi les blancs de là-bas ont le teint jaunâtre...Chris > Je nai pas déditeur (jen cherche pas non plus), et avec le blog, je prends en compte les commentaires pour évoluer.Febro > Regab, cest Gaboun. Attention aux aigreurs destomac !Nevrosia > Je nai jamais eu la chance de descendre en club... Mais je les ai déjà vus, ils sont encadré dès larrivée par des gens compétents? Que les touristes ne se retiennent pas : ça leur plaira beaucoup, c'est très typique !
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