Le moi est haïssable. L'écologie aussi.
Il paraît que l’écologie est détestable, qu’elle est incompatible avec la dignité, la Dignité, pardon, oui, cette même Dignité à majuscule dont Delacroix drape la république sur ses toiles : à la lecture de certains commentaires abasourdissants, l’inclination écologiste confine au ridicule et encourt la vindicte populaire.
A y regarder de plus près, de l’avis le plus partagé (à environ 82,7%, si ça vous rappelle quelque chose), chacun convient de la nécessité vitale de préserver l’environnement et d’envisager un développement durable ; c’est que nous avons des enfants et que nous avons la faiblesse de les aimer assez pour vouloir leur léguer un monde vivable. On m’objectera que les écologistes devraient s’occuper des maux qui accablent l’humanité plutôt que de se préoccuper des bacs à fleurs et de la réintroduction d’animaux dans des endroits où ils sont de toute façon condamnés. Certes, mais il faut savoir que la politique environnementale se soucie aussi et d’abord du devenir et du bien-être du genre humain : les mauvais exemples que je viens de citer sont des opérations de communication qui ne valent que pour ceux qui y croient (même si, à l’annonce de la mort du dernier ours ou du dernier bouquetin des Pyrénées, je reçois un coup à l’estomac, comme quand un taliban explose un bouddha millénaire. Réaction d’esthète, posture romantique…). Et il ne faut pas penser que BB soit écologiste : son truc, c’est plutôt la détestation de ses semblables et le nationalisme, qui vont bien ensembles.
Mais alors, me demanderez-vous, si l’écologie n’est pas haïssable, qu’est-ce qui explique ces étranges diatribes à son encontre ?
A moins d’être pollueur-payé, je ne vois que quelques réponses à cette judicieuse interrogation : soit, premièrement, on devient anti-écologiste par défi envers le politically correct comme on lit Garaudy ou comme on se vêt en punk anarchiste. C’est vrai que les visions universalistes peuvent paraître désuètes, aux temps de l’égotisme et du chacun-pour-soi. Soit deuxièmement on est encarté au parti communiste Français, donc stalinien de la vieille école, et, de ce fait, on pense que tout ce qui est anti-nucléaire est condamnable, soit, enfin et troisièmement, on se place au-dessus de la mêlée et on se situe à un niveau géologique ; en effet, notre belle planète a déjà percuté des comètes, elle a connu des ères glaciaires et elle a vécu des épisodes super-volcaniques qui ont déjà provoqué des extinctions massives, et on peut de ce point de vue considérer homo sapiens comme un épiphénomène supplémentaire aux cycles naturels, et que la vie ne s’arrêtera pas à ça. Nous sommes une catastrophe comme une autre, et puisqu’il nous faut tous crever, autant jouir par tous les trous et ne pas se tourmenter du réchauffement.
Ou alors c’est juste pour me faire chier, et c’est réussi. Ou encore, c’est de l’humour au second degré et je suis vraiment trop con pour y comprendre quelque chose. Pourtant j’adore Desproges -dont l’humour avait l’avantage de me faire rire, je le concède.