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La guerre d'Espagne expliquée aux enfants

29 Mai 2009 , Rédigé par Sébastien Clivillé, Hagaär Dünor, Toxic Avenge Publié dans #PETIOTS

Allez ! En route, direction : la Bretagne... Première étape : Romilly-sur-Andelle.

Quoi ?

C'est pas en Bretagne, Romilly ? Oui, je le sais bien, hé, banane, que c'est pas en Bretagne ! La vallée de l'Andelle, en Bretagne, on aurait tout vu, ça serait le pompon ! La vallée de l'Andelle, c'est aux portes du Vexin Normand, juste à côté de chez moi, je connais ma région, tout de même !

C'était ma première escale, sur la route de la Bretagne. Petite étape de trente kilomètres.

En vérité, M. Lacaille, le professionnel, devait venir le lendemain matin. J'avais entassé tout mon salon dans la chambre de me enfants, qu'est-ce que j'allais faire dans mon salon vidée de toute trace d'humanité ? Jouer au ballon dans le salon ? Certes.


C'est aussi que je voulais passer une nuit chez mon tonton et ma tata, Joan et Éléonore... Ça faisait longtemps que je ne les avait as vu, c'était l'occasion.

C'est charmant, Romilly, comme petit bourg. Vous connaissez les vallées du Vexin, creusées dans les plateaux calcaires par les riants cours d'eau jamais à sec... Vous ne savez pas ce que c'est, les ruisseaux jamais à sec, vous qui venez du sud. Pas question de remonter le lit de l'Andelle à la fin de l'été comme on le fait dans celui du Coulazou, par exemple (chouette balade -un peu sportive, du pont de Cournonterral jusqu'à la bergerie) ça serait un coup à se noyer. Mais oui, c'est ousqu'il y a la Colline des Deux Amants, et sa légende jaillie du fond des temps, ce mec qui, pour obtenir l'assentiment de son beau-père, dut porter sa belle jusqu'au sommet sans que celle-ci ne touchât terre. Il en creva de fatigue ; désespérée, la donzelle se jeta du haut du mont et y passa derechef. Je ne sais pas comment elle a fait, parce que vue la pente, elle aurait roulé jusqu'en bas, elle est restée coincée dans des ronces ? Elle serait morte de chagrin, plutôt, je pense.

Quand j'étais petit, parfois, avec toute la famille, on se faisait un petit grimpé de colline, et on parlait du pays, de son vin si épais, du village perché de la Siurana, de l'âne du cousin Catala, du curé que le grand-père avait caché pendant que des anarchistes de Reus voulaient le fusiller...


  • "- Papa ?

  • - Hmm ?

  • - C'est encore loin ?

  • - Non.

  • - Encore combien de kilomètres ?

  • - Pas beaucoup.

  • - Ça fait combien en mètres ?

  • - Mille fois plus.

  • - Holala... ça fait beaucoup de mètres !

  • - Papa pourquoi les nuages ils sont blancs ?

  • - Ils ne sont pas que blancs, les nuages, regarde : il y en a des gris, des noirs, des roses... Tu vois ?

  • - Ah oui !

  • - Papa, encore combien de minutes ?

  • - Quinze...

  • - Alors ça fait 900 secondes, parce dans une minutes, il y a 60 secondes ! 1... 2... 3... 4... "

  • (...)
  • "- Papa ?

  • - Hm ?

  • - Pourquoi est-ce que vous êtes venus en France ? »


Je ne sais pas si vous avez déjà voyagé en voiture avec des petits enfants précoces... Vous voyez ?

Avec des petits enfants précoces, il faut être encore plus flegmatique. Savoir dire stop.

Je ne dis pas que c'est ce que je fais toujours... Des fois je pousse même un peu les feux.

Là, justement, j'avais bien envie de répondre. En plus en ce moment, ça me travaille : le parlement espagnol vient de promulguer une loi qui permet aux exilés, aux combattants internationaux et à leurs enfants d'obtenir (j'allais dire de recouvrer) la nationalité.


J'ai senti l'émotion me colmater l'oesophage, et, pendant mon monologue, je me suis étouffé plusieurs fois dans ma bave.

C'était l'histoire de ma famille dont il s'agissait là : sans cet exode, je n'existerais même pas.


  • « - C'était un nazi Franco ? (j'avais déjà expliqué les nazis à mon grand de 6 ans un jour qu'on passait devant la fresque du résistant sur la facade du lycée Jean Moulin)
  • - Non, ce n'était pas un nazi, mais il était de la même famille, qu'on appelle les « fascistes ». Ces fascistes-là d'Espagne, on les appelait les « Phalangistes » ; on les appelait aussi les « blancs ». C'était les fascistes allemands qui s'appelaient les nazis, quand aux fascistes proprement-dits, ils venaient d'Italie. C'est grace à ceux-là qui sont venu l'aider que Franco a gagné... Du côté des républicains, il y avait le peuple, et puis des combattants du monde entier qui étaient venus l'aider... Ils faisaient la révolution, c'est à dire que tout était partagé entre les gens du peuple, la terre, le travail ; ils étaient tous égaux. C'était les « rouges ».

  • - C'est quoi, le peuple ?

  • - Bah... C'est les gens, les gens comme nous, ceux qui travaillent dans les usines, les fermiers, les couturières, les marins, les cuisiniers...

  • - Il est mort, Franco ?

  • - Oui.

  • - Qui c'est, qui l'a tué ?

  • - Personne, fiston... Il est mort dans son lit d'une maladie de vieillesse... Tu sais, la réalité, c'est pas comme dans les films américains, ce ne sont pas toujours les gentils qui gagnent à la fin.

  • - Et la France, c'était bien l'ennemie des nazis, non ?

  • - La France n'a rien fait.

  • - Il faisait la guerre, ton grand-père ?

  • - Non, mon grand-père, Ramon Cvillé, c'était un révolutionnaire, mais c'était un pacifiste, quelqu'un qui refusait de tuer. C'était le secrétaire du comité révolutionnaire de Cornudella, le village où est né mon père : c'est le seul village de Catalogne où il n'y eut pas d'exécutions sommaires. Il est resté fameux, là-bas, pour avoir demandé au moine de la chapelle moine de s'habiller en civil, parce qu'il y avait des anarchistes qui venaient de Gérone, ou de Barcelone, je ne sais plus, pour tuer les fascistes...

  • - C'est quoi, des anarchistes ?

  • - C'est des gens qui pensent que le peuple doit se diriger lui-même. Une belle idée, mais ceux-là étaient devenus complètement fous et ils tuaient les gens qui ne pensaient pas comme eux. Mon grand-père, il était partageur, mais ils n'aimait pas ces gens qui tuent pour le plaisir...

  • - Et pourquoi il est parti, alors ?

  • - Il est parti pour mettre sa famille à l'abri. Le premier souvenir d'enfant de mon père, il avait trois ans, ce sont les sacs de sable et les sirènes des Stukas (les avions des nazis allemands) qui attaquent Barcelone. Ma tante, qui avait treize ans, pourra te raconter la fuite en France, comment elle a porté mon papa et son frère qui n'en n'avaient que trois et cinq ans, jusqu'en France, c'était novembre, les nuits passées dans la montagne... Quand ils sont arrivés en France, à Collioure, les gendarmes français ont mis mon grand-père dans un camp, qui est une grande prison, à Rivesaltes... Je vous emmènerai là-bas, un jour qu'on ira dans le sud. Bon, voilà, on arrive à Romilly. Tu pourras poser des questions à tata Léo, elle a vécu en Espagne sous le régime de Franco, elle t'expliquera comment c'était. »
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M
bah? où qu'il est le comm que je t'ai écrit hier ?!!! ah oui jsuis con ma lampe est accrochée dans l'dos, ça fait d'l'ombre...
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S
<br /> On te vois quand tu roules à vélo, au moins !<br /> <br /> <br />
P
Nostalgie! La vraie, celle qui vous prend aux tripes même une génération plus tard.Salut!
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S
<br /> J'aime "retourner" dans "mon" village de Catalogne.<br /> <br /> <br />
Q
Les enfants, même pas précoce, ont toujours des questions... et toujours hâte d'arriver, à peine partis.Nous n'avons pas toujours les réponses.Là, je suis contente de voir que tu en avais eu pour eux... des mots qu'il fallait dire, et dont ils se souviendront peut-être une fois grands.Bisous, Seb.
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S
<br /> j'esaie toujours d'avoir des réponses, mais des fois, je leur avoue que la question est trop compliquée pour moi !<br /> <br /> <br />
K
C'est super d'expliquer tout cela à tes pt'its pirates "no passaran"bon week end et bon courage on est au moins deux à bosser et vu le temps superbeje préférerai révassez couché sur le gazon,mais vu que je suis du peuple faut bien aller au charbon sic.........amicalement à toiKrismalo
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S
<br /> Tu connais les loustics, ils n'en ont pas perdu une miette.<br /> <br /> <br />
S
Coucou, Seb.Devoir de mémoire...Histoire de la famille... Pas facile d'en parler aux enfants...Un jour, bientôt, ils liront ici -comme je l'ai fait- Rivesaltes...Gros bisous de Bretagne
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S
<br /> Ca y est tu es rentrée !<br /> <br /> <br />